Témoignage de RÉMI S

Bonjour à tous les récents et futurs opérés de la prostate.

Avant les conseils, un petit bilan de mon opération :

J’ai subi il y a 18 mois une prostatectomie radicale (à Nantes, docteur Christian Barré) et mon bilan est d’autant plus satisfaisant que ma tumeur, localisée dans le lobe gauche, était en limite de franchissement capsulaire. Le chirurgien qui devait au départ m’opérer par robot à Foch avait donc décidé de ne pas prendre de risques et de « sacrifier » les filets nerveux de ce côté-là, ce qui m’inquiétait beaucoup pour ma future activité sexuelle.
J’ai vu Christian Barré qui, après un toucher rectal particulièrement attentif (jamais je n’avais eu droit à une « visite » pareille), m’a rassuré car la prostate n'avait pas de zone dure ( ce qui contre-indique alors toute préservation) et qu'a priori, si tout se présente bien au moment de l'intervention, il pourrait conserver mes deux filets nerveux. Ce qu’il a fait. Et sans marges positives il faut le préciser.

Bilan : au niveau de la continence, j’ai eu une infection urinaire qui a retardé le retour à la normale (3 mois au lieu du mois prévu après l’opération). Mais je n’ai plus aucun problème aujourd’hui et mon jet a retrouvé une puissance insoupçonnable.

Au niveau des érections, elles sont redevenues normales à 60% au bout de 6 mois, à 80% au bout d’un an et à 95 % aujourd’hui. Seul différence peut-être, je pouvais rester en érection une bonne heure avant l’acte lui-même. Dorénavant, le contact avec ma partenaire est plus décisif pour l’obtenir. Mais ensuite, « tout roule » comme avant et, sincèrement, je pourrais faire l’amour tous les jours. Le résultat est d’autant plus excellent que je ne supporte pas le Viagra, le Cialis ou le Levitra (mal de crâne, rougeurs désagréables). J’en ai donc arrêté très vite l’utilisation.

Mieux encore, j’ai toujours l’impression de progresser. L’angoisse de l’échec m’a quitté, l’« esprit » a repris le dessus et la libido revient tous les jours un peu plus fort.

Le plus surprenant est la perte de l’éjaculation, une chose dont peu de praticiens parlent. Si ce manque n’entame en rien le plaisir, il n’est pas si facile à accepter au niveau psychologique. Quand on s’est pendant si longtemps habitué à une telle « conclusion », cela fait un drôle d’effet d’en être privé . Mais bon, ça vaut mieux que l’impuissance. Et on fait des économies de Kleenex.

Les conseils :
Comme je me suis énormément renseigné (j’ai lu tout ce qu’il était possible de lire, j’ai rencontré plusieurs spécialistes) avant de faire mon choix entre les diverses techniques (rayons, curiethérapie, robot, ciel ouvert) je me permets donc d’adresser quelques conseils.

1• Ne faites a priori pas confiance à ceux qui vous promettent des miracles technologiques. Les nouveaux équipements (robots, machines à rayons) coûtent des fortunes et il faut les rentabiliser. Le problème est qu’à voir les chiffres, ce ne sont ni les plus efficaces ni les moins dangereux. Celui qui va vous opérer doit pouvoir vous donner des résultats chiffrés et précis (continence et puissance sexuelle à 6 mois et à un an) et s’il n’est pas capable de vous écrire noir sur blanc ses statistiques personnelles, c’est soit qu’il s’en fout soit qu’elles ne sont pas bonnes. Je suis étonné que beaucoup de malades se montrent moins exigeants avec leur chirurgien que lorsqu’ils achètent une nouvelle voiture ! L’échange standard n’existe pas pour la prostate !

2• Pour moi, enlever une prostate revient à extraire une petite bille située au milieu d’une autre bille plus grosse et de la même couleur et cela sans « attaquer » d’un millimètre la bille extérieure qui contient les filets nerveux. On imagine la dextérité requise. Personnellement —est-ce parce que je suis un peu bricoleur ? — j’ai tendance à penser que c’est plus facile à réaliser quand on voit la prostate à l’œil nu et sous tous les angles que quand on passe par l’intermédiaire de caméras « frontales », même grossissantes. Le robot est un cyclope et je préfère quelqu’un qui a deux bons yeux. C’est pour cette raison que j’ai choisi l’opération « à ciel ouvert » et que j’ai supporté les douleurs post-opératoires un peu pénibles (la repousse des poils dans la cicatrice a été une horreur !). Je m’en félicite aujourd’hui.

3• Même réflexion pour les rayons qui me posent deux problèmes : d’abord cette technique fait qu’une opération ne sera plus possible dans un deuxième temps. Il faut donc la réserver en cas de récidive éventuelle APRÈS UNE OPÉRATION. Ensuite, la précision si vantée par les techniciens me laisse dubitatif. Qu’ils le veuillent ou non, ils travaillent plus ou moins à l’aveugle. Et s’ils bougent (ou si vous bougez !) d’un millimètre, les dégâts sont considérables non seulement pour la prostate mais aussi pour son environnement (vessie, rectum, etc.). Ça fait peur.

4• À moins que vous n’ayez un Gleason catastrophique, une tumeur d’une agressivité rare, ne vous pressez pas et réfléchissez bien. J’avais 62 ans lors de mon diagnostic et il fallait que je me fasse opérer, étant donnée la position de ma tumeur qui risquait d’aller se promener autour. Mais si j’avais eu 70 ans, j’aurais sûrement hésité et penché pour la surveillance active. Malgré le positionnement de ma tumeur en limite de franchissement, le docteur Barré m’a fait attendre 6 mois, le temps que je retrouve, avec un régime adapté, un rapport poids/taille parfait (il exige d’avoir le minimum de gras dans la zone de l’opération, pour bien y voir) et ce délai n’a rien changé à l’évolution de la tumeur. Celles-ci évoluent très lentement et, encore une fois, à moins d’en avoir une particulièrement agressive (mon Gleason n’était « que » 4+3), on a le temps de se calmer, de relativiser et de prendre des avis différents.

5• Quelle que soit la technique choisie, l’expérience du chirurgien est la clef de la réussite et, même si c’est dommage pour ceux qui débutent, je n’aurais pas aimé essuyer les plâtres d’un « petit jeune ». D’où, là encore, l’importance d’exiger des chiffres relatant l’expérience.

6• Patience ! Comme l’explique Christian Barré, on ne s’attend pas à remarcher un mois après s’être cassé le col du fémur. Vous ne redeviendrez pas une bête de sexe dans les deux mois qui suivent votre opération. Mais une bonne « rééducation » ne fait pas de mal (au contraire !). Les progrès sont lents mais notables. Fantasmer, s’entraîner et garder le moral sont les trois meilleurs médicaments.

7• Enfin, pour avoir été incontinent trois mois et impuissant cinq ou six mois (des « frémissements » sont heureusement arrivés avant), j’ai pu mesurer les angoisses qu’un tel état provoque et je n’ose pas penser à ceux pour lesquels c’est définitif. Un médecin ou un chirurgien qui ne prend pas en compte cette angoisse très légitime est un « mauvais » et il y en a assez de bons pour envoyer balader ceux qui ne voient en vous qu’un numéro ou pire qu’une source de profit (celui qui m’a fait ma biopsie à Paris était un « sauvage » et je m’en veux encore de ne pas lui avoir dit ). La partie post-opératoire est très importante et si celui qui va vous opérer est distant avant l’opération, on peut craindre qu’il le soit encore plus après.


Courage à tous et hauts les cœurs !Rémi

Opéré le 17/07/2013 à ciel ouvert par Christian Barré

Ce patient accepte d'être contacté (01 46 02 64 55)