Témoignage de
Opéré d'un cancer de la prostate en
Histoire hélas banale. 60 ans, contrôle du PSA, il monte au dessus de 5, puis à presque 8 en octobre 2013. Biopsie positive en novembre, 5 sur 6, Gleason 3+3, capsule saine à la vue.
En plus du choc de la nouvelle, commence le parcours du combattant.
D’abord, l’urologue se comporte très mal (euphémisme). Il m’annonce les résultats en 2 minutes, et se préoccupe de savoir si je paye en CB ou pas, et si je peux régler les frais supplémentaires de la clinique (je me dis qu’il a tellement peur que je décède dans la semaine et qu’il perde ses sous)… Il me prescrit IRM et scintigraphie, me lâche dans la nature et me donne RV dans 3 mois.
Je vous laisse imaginer après le désarroi. Très peu d’informations, un généraliste qui me dit juste de faire ce que me dit l’urologue. Je plonge sur internet pour comprendre, et ma femme s’y plonge encore plus, elle est plus vaillante que moi.
Je commence à comprendre que dans mon cas, c’est trop dangereux de ne pas s’en occuper, pronostic à 10 ans, c’est court. Sur internet, je tombe vite sur le site du docteur Barré. Site très clair, à la fois scientifique et précis, et à la fois lisible pour un profane. Mais j’habite à Marseille, et Barré est à Nantes, et je sais qu’internet peut abriter le pire et le meilleur.
Je demande l’aide d’une cousine, elle-même généraliste et ayant subi deux cancers du sein. Elle va bien m’aider dans mon parcours du combattant.
Plusieurs décisions successives. D’abord ne plus voir le premier urologue, François B.. Je ne lui ai même pas envoyé la lettre d’insulte que j’ai ruminée.
Pas d’IRM possible pour moi, car je porte un pacemaker, mais le scanner et la scintigraphie sont rassurants. Puis je prends RV avec le professeur Rossi, le patron d’urologie à l’Hôpital Nord de Marseille. Il exclut l’idée de ne pas traiter, et me donne les alternatives, radiothérapie et chirurgie, et si chirurgie, robotisée ou ciel ouvert.
Avec ma femme, on consulte, on lit, elle surtout La radiothérapie semble moins invasive. C’est long et fastidieux, mais indolore. Je suis cette piste, mais je suis préoccupé par les effets secondaires, dont l’impuissance. Car la sexualité est un élément fondamental de ma vie, et de la notre. Or là, tout est flou. Les documents édités ou les RV avec les radiothérapeutes parlent « d’impuissance probable à 2 ans », de « 50% » (de quoi ?), de « ca dépend des gens ». Aucune donnée statistique chiffrée, et aucun détail sur l’impuissance. Or avoir besoin de viagra n’est évidemment pas la même chose que de faire des piqures. Et j’ai le sentiment que mes questions sur l’impuissance ennuient presque les médecins rencontrés. Ils irradient, ils brulent la maladie, le reste n’est pas leur problème. Et puis, pas de chirurgie possible après radiothérapie, alors que la radiothérapie est possible après l’opération.
Je décide de consulter le docteur Barré. Il m’explique sa méthode, aussi claire que son site, des chiffres précis, puis m’assène la condition. Je dois perdre 25 kilos ! Gros depuis l’adolescence, je pèse 105 kg pour 1,82 mètre. Mais pour lui, c’est nécessaire pour l’opération, puisqu’il s’agit d’extraire la prostate sans déchirer les nerfs érectiles qui sont à peine plus gros que des cheveux. On cale l’opération 6 mois après, même si je ne suis pas sûr de faire ce choix.
Je continue mon tour, et j’étudie la chirurgie robotisée. C’est tentant, c’est une nouvelle méthode, très moderne, et moins invasive. Mais toujours sans chiffres, sans statistiques sur les « effets secondaires ». Et puis ca coute cher. Je peux en avoir les moyens, mais quelque chose m’arrête dans ce rapport à l’argent. Le robot coûte cher, mais les discussions que j’ai avec les praticiens me font entendre de manière subliminale « il faut des clients pour rembourser le robot ». J’ai plus le sentiment d’être un numéro qu’un patient.
Je commence à tourner en rond à force d’étudier la question. Je revois Rossi sans avoir décidé, je lui raconte où j’en suis. Il me conseille d’aller chez Christian Barré qu’il estime comme un des meilleurs. J’hésite encore un peu, mais l’approche « je connais le meilleur des chirurgiens, le top du top, d’ailleurs c’est à l’Hôpital américain et tous les gens importants vont là » ne me convainc pas. Cher, et pas très humain, et pas rassurant du tout.
Et puis Christian Barré considère la sexualité comme un des sujets. Comme le cancer lui-même et comme l’incontinence, il aborde les questions et les solutions. Avec tous les autres médecins, il a fallu que moi ou ma femme abordions le sujet de l’impuissance, et, peu ou prou, on sentait que ce n’était pas vraiment un sujet important pour eux, ou même qu’on les agaçait un peu.
Et donc, opération en novembre. Entre temps, j’ai suivi un régime assez simple (pas de pains ou de féculents, pas trop de gras ni de sucre, peu d’alcool, pas de grignotage, du sport). Comme je ne bois presque plus d’alcool, ce n’est pas difficile, et j’ai mangé salades, légumes, viandes et poissons à volonté. Je n’ai jamais souffert de la faim. J’achète un vélo d’appartement, 30 minutes par jour. Je perds rapidement, 4 kg par mois, après un peu moins. En 8 mois, je perds les 25 kg.
Je suis opéré en novembre à Nantes. Tout le monde est sympathique. Une semaine d’hospitalisation, sonde urinaire, c’est désagréable. Longue convalescence, je ne retrouve mon état physique et intellectuel précédent seulement après un mois et demi. Pas très agréable non plus.
Incontinence pendant plusieurs mois, au début pénible, et au fur et à mesure de moins en moins présente. Après 5 mois, elle n’a pas disparu complétement, mais quasiment.
Pas de stimulation sexuelle pendant la convalescence. Après, feu vert et aide avec du Cialis 5mg tous les deux jours. Reprise d’une vie sexuelle, érections semi-rigides puis de plus en plus durables, orgasmes un peu nouveau, sans sperme, mais satisfaisants. Il semble que j’ai de la chance, la reprise de la vie sexuelle est généralement plus lente. Mais en tous cas, cela prouve la capacité de préserver les nerfs érectiles après une ablation de la prostate faite à ciel ouvert comme on dit.
Après analyse de la prostate retirée, il y a un dépassement capsulaire microscopique, et le Gleason est monté à 3+4. Les pronostics de récidive sont de 5 à 10%. Ce n’est pas rien, mais tout de même rassurant.
Mon cas est personnel, et je n’en tire pas de vérité reproductible. Et je ne peux pas savoir ce qu’auraient donné une radiothérapie ou une opération avec robot. Mais je suis content des choix que j’ai faits, et de la manière dont cela s’est déroulé. J’en ai profité pour garder mon poids à 80 kg, je suis en meilleure santé qu’il y a un an…
Opéré le 18/11/2014 à ciel ouvert par Christian Barré