Publié le 26/12/2016 dans
Depuis une quinzaine d'années, la chirurgie robotique s'est développée en France. Un investissement coûteux, mais pour quel résultat ? Éléments de réponse...
C'est mieux, c'est remboursé ; ce n'est pas mieux, c'est quand même remboursé. Alors que certains hurlent que l'État ferait des économies sur la santé des Français, on peut en douter au vu du dernier avis de la Haute Autorité de Santé (HAS). Elle se dit favorable au remboursement de l'ablation totale de la prostate assistée par robot, alors qu'elle reconnaît que cette technique est sans valeur ajoutée par rapport aux autres modalités opératoires.
Retour en arrière. La chirurgie robotique s'est développée depuis la fin des années 1990 dans la plupart des domaines chirurgicaux, en urologie, gynécologie, oto-rhino-laryngologie, chirurgie endocrinienne, abdominale, thoracique, etc. À chaque nouvelle installation dans un établissement de soins, une large promotion est assurée dans les médias, associant généralement la direction, les médecins concernés et aussi les élus locaux, fiers de montrer à leurs administrés l'attention qu'ils portent à la prise en charge de leurs difficultés de santé. L'objectif, c'est d'attirer de nouveaux patients et de les détourner des établissements concurrents.
En dehors de la neurochirurgie, un robot détient le monopole du marché, le Da Vinci vendu par l'entreprise californienne Intuitive Surgical. Ce système de commande d'instruments opératoires (bistouri, aspirateur, pince, thermocoagulateur…) est composé d'une console manipulée par le chirurgien, d'un chariot équipé de bras robotisés interactifs équipés d'une caméra et d'instruments endoscopiques ainsi que d'un système d'imagerie déporté. Pour un hôpital ou une clinique, c'est un investissement lourd. L'achat est onéreux, de l'ordre de 2 millions d'euros, souvent subventionné par les collectivités locales, la salle du bloc opératoire doit être spécialement conçue, de dimension extra-large, du matériel consommable coûteux doit régulièrement être acheté en surplus, la stérilisation doit être adaptée. Mais si c'est pour le bien du patient, si c'est un progrès chirurgical, alors tout le monde ne peut qu'y être entièrement favorable.Seulement, ces avantages n'avaient jamais été prouvés, ce qui n'a pas empêché 84 établissements de se doter d'un robot chirurgical à la fin 2015 sur le territoire national. Et ils servent. Une des applications vedette de ces merveilles technologiques est le cancer de la prostate, une pathologie très courante. L'ablation totale de cet organe est le traitement de référence d'une grande partie de ces tumeurs, environ 20 000 prostatectomies totales sont effectuées chaque année dans notre pays. Ces opérations sont réalisées soit par chirurgie ouverte classique, en ouvrant largement le ventre, soit par coelioscopie (ou laparoscopie) traditionnelle, en faisant de toutes petites incisions, soit par coelioscopie robot-assistée, le chirurgien manipulant ses instruments par l'intermédiaire du robot. Près de 40 % des prostatectomies totales auraient été menées avec assistance robotique en 2015.
Pour la première fois, une agence étatique et indépendante, la HAS, a examiné toute la littérature scientifique publiée entre 2001 et septembre 2016 sur le sujet. Elle a interrogé les vingt-six agences régionales de santé, les professionnels de santé, une association de patients, trois fédérations hospitalières publiques et privées, ainsi que le fabricant. Ses conclusions sont limpides. C'est « une des modalités possibles de prostatectomie totale lors du traitement d'un cancer de la prostate localisé, mais sans valeur ajoutée démontrée par rapport aux autres techniques ». Et il faut l'inscrire sur la liste des actes remboursables par la Sécurité sociale.Dans le détail, les experts écrivent qu'« en termes d'efficacité il n'existe pas de données sur la survie globale de la prostatectomie totale par chirurgie robot-assistée. L'exérèse chirurgicale de la prostate, qu'elle soit réalisée en chirurgie ouverte, par voie cœlioscopique conventionnelle ou robot-assistée, entraîne fréquemment des incontinences urinaires et des dysfonctions érectiles susceptibles d'être durables ». Sur le plan des critères cancérologiques, « il n'existe pas de données sur la survie sans progression. L'hétérogénéité des résultats disponibles ne permet pas de conclure quant à une amélioration ou une diminution des taux de marges chirurgicales positives ou de la récidive biologique avec la prostatectomie robot-assistée comparativement aux autres modalités ». En clair, le robot ne permet pas d'être plus précis et de retirer davantage de cellules cancéreuses.ni mieux ni moins bien.
Enfin, en termes de sécurité, il n'a été identifié « aucun argument quant à un sur-risque d'effets indésirables graves lors d'une prostatectomie totale robot-assistée ». Tout juste l'agence a-t-elle relevé « des pertes sanguines significativement plus faibles lors d'une prostatectomie totale robot-assistée comparativement à celles par chirurgie ouverte », ainsi qu'une durée d'hospitalisation moindre par rapport à cette même modalité opératoire. Avec quinze ans de recul, la HAS conclut qu'il n'y a « pas d'argument en faveur de la supériorité ou de la non-infériorité de la prostatectomie totale robot-assistée par rapport aux techniques chirurgicales existantes, notamment la laparoscopie conventionnelle ».